JUIN 2016

Dans l'actualité

Le marché obligataire n'a jamais été aussi cher

  • À l'heure actuelle, le marché obligataire défie tous les autres produits qu'il est permis de comparer. Jamais les traders n'avaient payé autant pour détenir des quantités colossales de dollars en titres de créance et obtenir si peu de rendement en échange. La morosité de la croissance mondiale, l'instabilité politique, les taux d'intérêt négatifs et les rachats massifs des banques centrales ont chacun permis de préserver la demande de la dette publique, même si les taux des obligations d'un montant de plus de 8 000 milliards de dollars sont tombés en terrain négatif (le montant de la dette à rendement négatif dépassant maintenant l'ensemble du marché mondial des obligations d'entreprise). Mais au fur et à mesure que les investisseurs lésinent sur les marges de sécurité pour faire monter les prix toujours plus haut, il est maintenant à craindre que la demande insatiable qui les a aveuglés face aux dangers potentiels, ne risque d'entraîner des pertes cruelles.
  • Dans l'absolu, ceci fragilise encore bien plus les marchés.
    • Sur la base de la valeur relative par rapport aux actions, les obligations du gouvernement américain sont hors de prix. Le rendement des Treasuries à dix ans est de 1,47 %, soit leur niveau le plus bas depuis 2012. Ceci représente grosso modo 0,75 % de moins que le rendement du dividende du S&P 500 (2,25 %). Sur cette base, cela fait cinq mois que les Treasuries sont plus chers que les actions américaines, un événement qui est survenu à deux autres occasions seulement, en 2008 et 2012. Selon les données de l'indice compilées par Bank of America, les Treasuries ont continué d'afficher leurs pires rendements annuels historiques, perdant 3,7 % en 2009 et 3,4 % en 2013.
    • Aux États-Unis, au Japon, en Allemagne et au Royaume-Uni, les taux moyens des bons à dix ans qui ont permis d'émettre des titres de créance publics de plus de 25 000 milliards de dollars, ont reculé à un niveau de 0,69 %. Il s'agit du plus bas niveau jamais atteint, qui se situe bien en-deçà de la moyenne de 5 % des 145 dernières années et est à environ 2,10 % en deçà du rendement du dividende pour l'indice MSCI Monde (2,78 %).
  • Avec des rendements aussi bas, les acheteurs obligataires n'ont plus guère le droit à l'erreur. Aux États-Unis, un indicateur utilisé est celui de la prime à terme ; il se situe maintenant à -0,53 % pour les billets à dix ans. Cet indicateur qui fait partie des outils que la Fed utilise pour orienter sa politique monétaire, reflète la rémunération supplémentaire que les investisseurs exigent pour détenir de la dette à long terme au lieu de titres successifs à court terme. Comme son nom le laisse présager, la prime à terme devrait normalement être positive comme cela a été le cas pendant la plupart des 50 dernières années. Mais depuis le début de l'année, la prime s'est transformée en remise, ce qui semble suggérer que les investisseurs obligataires ne voient pas à l'horizon les risques qui feraient grimper davantage les rendements. Ce concept vaut également pour le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni où la prime à terme est devenue négative lorsque les rendements de l'indice de référence des trois marchés a atteint un niveau plancher historique.
  • En ce qui concerne les pessimistes, il existe une pléthore de raisons les poussant à continuer d'acheter la sécurité de la dette gouvernementale à prix d'or – même à des prix exorbitants. La probabilité de voir les États-Unis entrer en récession au cours de l'année prochaine est maintenant la plus élevée ; selon JPMorgan Chase, l'expansion actuelle avait en effet vu le jour il y a sept ans. L'Organisation de coopération et de développement économiques a également averti le mois dernier que l'économie mondiale est prise au « piège de la croissance molle ». Qui plus est, à la suite du vote de la Grande-Bretagne de quitter l'Union européenne, la nervosité s'est fortement emparée des marchés. Ceux-ci sont de plus en plus convaincus que les pays développés seront moins à même de créer de l'inflation, quand même ils le voudraient. L'année dernière, l'inflation des pays développés a ralenti à 0,4 % et, selon les prévisions, devrait uniquement avoisiner 1 % en 2016, soit la moitié du taux d'inflation de 2 % ciblé par la plupart des grandes banques centrales.
  • Et certains d'arguer que l'assouplissement quantitatif, ou encore les mesures d'incitation agressives de rachat d'obligations actuellement suivies par les banques centrales en Europe et au Japon, poussent les marchés obligataires à s'écarter de leur valeur fondamentale. Ceci pourrait expliquer le niveau record de la demande lors des adjudications de la dette publique américaine cette année. Étant donné que la zone euro et le Japon abritent la quasi-totalité de la dette à rendement négatif, les investisseurs se ruent sur les Treasuries qui offrent certains des rendements les plus élevés du monde industrialisé. Selon les données collectées par Bloomberg, le mois dernier, la demande de vente de billets à deux, cinq et sept ans années s'est hissée à des sommets sans précédents.